1949-1970, cardans, machoires à coulisse, arbres, fuséEs et transmissions
2CV-MCC | 8 janvier 2021La 2 CV étant une traction avant, les arbres de transmission sont des organes mécaniques complexes et essentiels mais aussi particulièrement sensibles. De 1949 à 1970, au fil des ans, Citroën les a modifiés et améliorés afin d’apporter toujours plus de fiabilité et de confort à ses utilisateurs.
Vocabulaire technique, ne pas confondre…
Ce que le langage courant nomme habituellement « cardan » est en fait un ensemble désigné transmission (réf. 3002011 et réf. 3002012) qui, au moins jusqu’en septembre 1965, se compose d’un arbre de transmission, d’un croisillon de transmission, aussi appelé croisillon de Cardan (réf. 1002019), et d’une fusée. Le croisillon assurant ici la liaison par articulation entre l’arbre de transmission et la fusée. Quant à la fusée, elle vient se positionner dans le moyeu de roue qu’elle traverse en son centre et dans lequel elle est bloquée par un écrou crénelé lui-même goupillé (réf. 1002050 et réf. 1002060).
A l’autre extrémité, ce que l’on appelle couramment la « partie femelle » est en fait la mâchoire à coulisse dont l’intérieur est cannelé. Dans celle-ci vient se positionner l’extrémité cannelée, elle aussi, de l’arbre de transmission. Cet assemblage coulissant permet à la transmission de voir sa longueur réduire et augmenter en fonction du débattement de la suspension. Cette même mâchoire à coulisse est enfin reliée à la « sortie de boîte » par un second croisillon de Cardan identique au premier. La désignation technique exacte de cette dernière est « mâchoire formant arbre de différentiel » souvent raccourcie en « arbre de différentiel ».
Enfin, dernier élément d’importance de la transmission, à l’extrémité de la mâchoire à coulisse est monté un soufflet en caoutchouc (réf. 1002030) serré par un collier. Il a pour mission de protéger de la poussière et de l’eau les cannelures de l’arbre de transmission qui se découvrent plus ou moins chaque fois que la suspension se détend.
Un peu d’histoire et un peu de pratique
L’invention du joint de transmission à croisillon remonte au XVIe siècle. Il est né en Italie imaginé par un certain Girolamo Cardano (1501-1576) aussi appelé Jérôme Cardan en français. Médecin, mathématicien, astrologue, philosophe, physicien et inventeur, il met au point une articulation en forme de croix, désignée joint de Cardan, dont les extrémités opposées sont reliées à des fourches, et qui permet la transmission d’un mouvement rotatif.
Ce dispositif, très ingénieux pour l’époque, présente un seul défaut puisque ce joint n’est pas homocinétique mais hétérocinétique. C’est-à-dire que plus l’angle formé, par exemple, par l’arbre de transmission et la fusée est important (donc plus les roues sont braquées), plus apparaît un phénomène de rotation irrégulière en sortie. L’élément émetteur du mouvement et l’élément récepteur du mouvement ne tournent plus à la même vitesse. Ainsi, la vitesse de rotation des roues motrices et directrices est l’objet d’accélérations et de ralentissements successifs, ce qui engendre un phénomène qui peut parfois être désagréable pour qui n’est pas habitué. Ces à-coups peuvent aussi être source d’usure prématurée, voire de rupture mécanique, pour les éléments de transmission, boîte de vitesse comprise. Sur les 2 CV équipées de transmission à joints de Cardan, il est par exemple particulièrement décommandé de démarrer, surtout en côte, avec les roues fortement braquées… Les conducteurs habitués à ce phénomène, pour le contrer et ménager leur transmission, ont une astuce. Il suffit en effet alors de faire patiner l’embrayage. C’est juste un coup à prendre, et cela devient ensuite très vite un réflexe. Les propriétaires de 2 CV anciennes en savent quelque chose. L’arrivée aux cours des Années soixante des joints homocinétiques, à deux croisillons puis à billes, améliorera grandement les choses offrant alors un confort de conduite particulièrement appréciable.
Enfin lorsque, sur une même transmission, l’on dispose de deux croisillons de Cardan, leurs fourches opposées dos-à-dos doivent être alignées pour obtenir un équilibrage parfait. Sans cet alignement, un important phénomène de vibration se produit rendant la conduite impossible.
1949-1954, les petites transmissions
Sur les premières 2 CV dont la production débute en juillet 1949, le moteur de 375 cm3 ne délivre que 9 ch et les éléments de transmission sont dimensionnés en conséquence. Ainsi, par exemple, l’arbre de transmission, long de 470 mm, offre au niveau de ses cannelures un diamètre d’emmanchement de seulement 28 mm. Aussi, la mâchoire à coulisse offre une longueur de 148,5 mm. L’on a par ailleurs deux transmissions différentes, une gauche et une droite. En effet, sur la transmission droite, le filetage de la fusée accueillant l’écrou crénelé de blocage offre un pas inversé, ou pas à gauche. Bien sûr le pas dudit écrou est du même type.
1954-1965, les transmissions renforcées
En septembre 1954 sont présentées les nouvelles 2 CV AZ et 2 CV AZU, versions Berline et Camionnette équipées d’un nouveau moteur de 425 cm3 délivrant alors 12 ch. Cette augmentation de puissance impose un renforcement de tous les éléments de transmission qui avaient été dimensionnés en fonction du moteur de 375 cm3. Tout d’abord, le diamètre de l’arbre de transmission est augmenté. Celui de sa partie cannelée passe ainsi de 28 à 34,5 mm. La mâchoire à coulisse subit le même traitement. Ses diamètres, intérieur et extérieur, sont eux aussi augmentés en conséquence, et sa longueur, auparavant de 148,5 mm, est portée à 159,5 mm.
Mais les modifications ne s’arrêtent pas là. En effet, l’on abandonne alors la différenciation des transmissions droite et gauche et il n’y a plus qu’un seul modèle d’arbre de transmission. C’en est fini de la fusée et de son écrou de blocage à pas inversé pour le côté gauche. Les deux arbres de transmission reçoivent maintenant la fusée et l’écrou montés pour le côté droit depuis 1949. Les quatre croisillons (deux par transmission) restent les mêmes ainsi que la fusée et son écrou crénelé désormais montés à droite et à gauche.
Ces transmissions renforcées offrant une fiabilité bien meilleure que les précédentes, équipent aussi simultanément désormais les 2 CV A et les 2 CV AU à moteur de 375 cm3. Cependant, elles restent de simples transmissions hétérocinétiques avec tous les inconvénients qu’elles impliquent.
1959-1960, une première tentative
D’ailleurs Citroën en bien conscient des inconvénients qu’apporte la transmission à joints de Cardan. Ainsi, entre mai 1959 et novembre 1960, une petite proportion de 2 CV est équipée d’origine, à titre expérimental, d’arbres de transmission à deux croisillons et désormais homocinétiques (réf. 3002014). Evidemment, le confort de conduite est total. Il n’est plus nécessaire de faire patiner l’embrayage dans les virages serrés ni lorsque que l’on démarre les roues braquées… La conduite de la 2 CV est véritablement transfigurée. Mais les utilisateurs de 2 CV qui ont joué les cobayes découvrent bien vite que cette amélioration ne leur est pas destinée à long terme. Le principe de ces arbres de transmission sera en fait repris en série sur la 2 CV 4 x 4 Sahara dont la production débute en décembre 1960, puis sur l’Ami 6 présentée en avril 1961…
1965-1969, l’homocinétique en série et en option
Les propriétaires de 2 CV doivent patienter encore et continuer à faire patiner leur embrayage quelques années. Ce n’est qu’en septembre 1965 que les 2 CV sont enfin disponibles avec des transmissions entièrement homocinétiques entre l’arbre de différentiel et la mâchoire à coulisse et entre l’arbre de transmission et la fusée. Elle sont montées en série sur les 2 CV AZU et sur les 2 CV AZAM mais sont aussi disponibles en option sur les 2 CV AZL (dont la commercialisation se poursuit jusqu’en 1967) et sur les 2 CV AZLP. Ces nouvelles transmissions abandonnent donc le joint de Cardan (joint à croisillon simple) pour se voir dotées d’un nouveau joint à billes parfaitement homocinétique quel que soit l’angle de braquage des roues. Outre un confort de conduite évident, elles permettent aussi d‘épargner à la boîte de vitesse ces fameux à-coups destructeurs, et aux conducteurs cette gymnastique qui consistait à faire patiner l’embrayage lors des démarrages roues braquées et des virages serrés à faible allure. L’apparition de ces nouvelles transmissions dotées chacune de deux joints à billes entraîne quelques modifications. Les cannelures des fusées sont remplacées par des dentelures imposant le montage de moyeux de roue modifiés. Les arbres de différentiel adoptent eux aussi des dentelures à la place des cannelures au niveau des planétaires. Et, puisqu’ils abandonnent le joint de Cardan et son croisillon, ils abandonnent la sortie en forme de fourche sur laquelle ce dernier est fixé pour une platine avec six filetages sur laquelle vient se visser la nouvelle mâchoire à coulisse dotée de son joint homocinétique à billes. Enfin, toutes ces modifications entraînent le montage de nouveaux tambours de frein avant.
Maintenant, pour les 2 CV AZL et les 2 CV AZLP qui, elles, conservent en série les anciennes transmissions hétérocinétiques à joints de Cardan, l’adoption de la nouvelle transmission homocinétique impose quand même quelques modifications. En effet, leurs fusées reçoivent elles aussi les dentelures en lieu et place des cannelures afin de pouvoir monter les nouveau moyeux de roue à dentelures. Mais, attention, à moins de remplacer la boîte de vitesse ou de modifier celle d’origine pour l’équiper des arbres de différentiels à platine à six filetages, il n’est pas possible de monter des arbres de transmission homocinétiques sur une 2 CV équipée d’arbre de transmissions à joint de Cardan. En effet, les nouveaux arbres de transmission sont bien plus courts, 440 mm au lieu de 470 mm, et s’ils sont montés avec les mâchoires à coulisse ancien modèle à croisillon de Cardan, ils se déboîteront de ces dernières au moindre débattement de suspension un peu important.
1969-1970, l’ultime modification
En octobre 1969, la 2 CV AZLP est la seule 2 CV Berline encore au catalogue. Elle est toujours disponible en série avec la transmission hétérocinétique à croisillons et, en option, avec la transmission homocinétique à joints à billes. Désormais, dans le cas du montage de la première transmission, donc le montage de série, la boîte de vitesse adopte les planétaires à dentelures montés jusqu’ici et depuis septembre 1965 avec la transmission homocinétique disponible en option sur la 2 CV AZL et sur la 2 CV AZLP, et en série sur les 2 CV AZAM et les 2 CV AZU. Le montage de ce nouveau différentiel impose donc l’adoption de nouveaux arbres de différentiels à dentelures et non plus à cannelures.
L’entretien des transmissions
Dans le cas d’un montage avec des croisillons de Cardan d’origine, le seul entretien qu’il est nécessaire, voire même impératif de faire, est, avec une pompe à graisse, de graisser les mâchoires à coulisse tous les 1 500 km. Les croisillons étant des pièces d’usure, il est possible qu’un ou plusieurs aient été changés et que, dans ce cas, ils soient dotés eux aussi de graisseurs (réf. 1002019). Là aussi, il faudra jouer de la pompe à graisse. Le remplacement des croisillons n’est pas une opération particulièrement facile, mais avec un peu de méthode et un outillage adapté, n’importe quel amateur de mécanique averti et patient peut réaliser une telle opération.
Pour une transmission homocinétique, l’entretien se limite au graissage des seules mâchoires à coulisse. Cependant et surtout dans ce dernier cas, il ne faut surtout pas négliger de vérifier régulièrement le bon état et la bonne étanchéité des divers soufflets en caoutchouc sans oublier leurs divers colliers de fixation. Leur rôle est de protéger les joints à bille des éléments extérieurs que sont la poussière et l’eau, mais aussi de retenir la graisse, élément de lubrification essentiel. Dans le cas des transmissions à croisillons de Cardan de type hétérocinétique, seul l’emmanchement de l’arbre de transmission dans la mâchoire a coulisse est protégé par un soufflet (réf. 1002030). Les croisillons de Cardan étant à l’air libre. Sur les transmissions homocinétiques, chacun des quatre joints à billes est habillé d’un soufflet en caoutchouc (réf. 1002040 et réf. 1002020). Généralement, lors d’un contrôle technique, leur état fait l’objet d’un examen attentif. Avec un soufflet percé ou déchiré, la graisse s’échappe, des corps étrangers pénètrent et le joint à billes fait alors l’objet d’une usure rapide et destructrice…